Bolivie / Partie 3 : Potosi et ses mines

avril 20, 2022


Nous arrivons sur les coups de 18 heures à Potosi. Alors que le soleil se couche, les environs de l'ancien terminal de bus (où viennent encore les bus depuis Uyuni) sont très animés. La "préfecture de la région", avec ses 200 000 habitants, nous semble assez vivante !

Les taxis étant tous complets, on rejoint notre logement - situé quelques kilomètres plus loin - à pied malgré la fatigue. On se contente pour notre première soirée d'avaler une bonne pizza et de marcher très rapidement autour de la place centrale, où on peut assister à un défilé pour la fin de la semaine sainte.





Potosi est connue pour être une des villes les plus hautes du monde (4100 mètres d'altitude !). Nous n'avons aucun mal à le croire entre le froid polaire qui règne la nuit dans notre chambre non chauffée, ou encore notre essoufflement en montant simplement quelques escaliers 😔

Mais la ville de Potosi est aussi, et surtout, connue pour ses mines. Elles ont fait la richesse de cette cité qui a été l'une des plus riches du monde à l'époque coloniale. Les mines de Potosi continuent encore aujourd'hui de fonctionner et sont la principale activité économique de la ville. Nous avons donc décidé d'aller les visiter dans le cadre d'une visite guidée.

Cette visite est assez controversée, néanmoins pas de voyeurisme avec notre guide Willy, ancien mineur qui - après avoir poussé des chariots dès l'âge de 12 ans avec son père et son grand père - propose aujourd'hui aux voyageurs des visites pour leur partager l'histoire de la mine, les conditions de travail et de vie précaires des mineurs, et leur culture. A la question "que pensent les mineurs de voir des occidentaux venir les regarder travailler ?", Willy nous a répondu qu'ils étaient fiers de partager leur travail et leur culture. Nous imaginons que ces visites ne doivent pas forcément plaire à tous les mineurs, mais elles restent instructives et loin du voyeurisme (avec notre agence en tout cas). Une partie des fonds est aussi redistribuée aux coopératives de mineurs.

En tout cas, cette visite fut une véritable "claque" pour nous et pour les autres touristes nous accompagnant !

La visite part de la place centrale, dans le centre historique composé de belles demeures, de places et de fontaines. Il s'agit de l'ancienne "ville espagnole". On rejoint rapidement le quartier "indigène", celui où vivent les mineurs. Les maisons sont plus petites, plus modestes, et ne disposent pas toutes de fenêtres. Ce sont les indigènes, qui vivaient ici, qui ont travaillé dans les mines pour le compte des colons espagnols. Des esclaves africains ont également été mobilisés quelque temps, et étaient enfermés pour leurs quelques heures de repos dans une "prison".

A l'époque, les mineurs travaillaient 36 heures de suite et n'avaient droit qu'à 8 heures de repos... Beaucoup sont morts de ce travail, notamment les Africains qui ne supportaient pas l'altitude et les températures froides de la région.

Aujourd'hui, les mineurs ne sont plus esclaves mais leurs conditions de vie restent bien précaires. Ils parlent pour beaucoup un mélange de Quechua et d'Espagnol (du "quechuspagnol" comme dit notre guide !).
Les mines emploient 35 000 travailleurs (20 000 la journée, 15 000 la nuit). En comptant leurs familles, ce sont 100 000 personnes (la moitié de la population de Potosi) qui vivent de cette activité. Près de 200 mines sont creusées dans la montagne qui borde la ville. Néanmoins, la montagne est déjà bien "travaillée", et il n'y aurait plus qu'une cinquantaine d'années de travail devant eux. L'avenir de Potosi étant ainsi assez menacé...

De nos jours, les mineurs commencent à travailler dès 15 ans, du lundi au samedi. Ils s'arrêtent autour de 45 ans : leur espérance de vie... Entre les accidents et les maladies liées à la poussière (notamment la silicose), il n'est pas question de retraite pour les mineurs.
Leurs conditions de vie sont d'autant plus précaires qu'ils ne sont pas salariés. Ils travaillent pour des personnes possédant des concessions, et ne récupèrent qu'une partie des bénéfices. Concrètement, le propriétaire d'une concession récupère 50% des gains, et l'équipe de mineurs se partagent la moitié restante. 

Une équipe se composant de plusieurs mineurs :
- les "débutants", qui chargent les brouettes. Ils travaillent une dizaine d'heures par jour ;
- les "intermédiaires", qui poussent les wagons des entrailles de la mine vers l'extérieur. Un travail non seulement physique (un wagon, poussé par deux mineurs, contient une tonne de pierres !) mais aussi dangereux (les couloirs étant étroits, il n'est pas rare de perdre une main contre la paroi si le wagon avance trop vite). Ils travaillent 8 à 12 heures par jour suivant leur vitesse sur les rails ;
- et enfin le "perforateur", le niveau hiérarchique le plus élevé. Il ne travaille "que" 4 heures par jour mais son métier est le plus risqué. Il est en effet chargé de perforer la roche, pour y insérer de la dynamite, puis de la faire sauter pour pouvoir creuser les tunnels et extraire les minerais. Le prix de la dynamite étant aujourd'hui élevé, les perforateurs font désormais des mélanges dangereux avec des produits explosifs pour économiser au maximum la dynamite.

Car en effet, les mineurs doivent acheter eux même leur matériel !! Dynamite, mèches, pioches, équipements divers, ... L'achat du matériel représente près de 60% du salaire du mineur.
Salaire étant aujourd'hui relativement "bon" grâce à la pandémie, qui a entraîné une augmentation de la demande en minerais. Ainsi, un mineur gagne de nos jours entre 250 à 650 dollars par mois suivant son rôle dans l'équipe.
Cependant, d'ici quelques mois la situation devrait revenir "à la normale", et les salaires redescendre à une fourchette située entre 100 et 400 dollars.
En attendant, l'appât du gain est tel que des jeunes femmes commencent à venir travailler dans certaines mines... Historiquement, elles restent en dehors de la mine pour effectuer des opérations de tri des minerais. Elles sont en effet, culturellement, interdites d'entrer dans les mines car la "Pachamama" (la "terre mère") serait jalouse qu'elles rentrent dans les entrailles de la terre, et il arriverait malheur aux mineurs !

Toutes ces explications nous sont apportées par Willy au cours de la visite. Mais avant d'arriver à la mine, nous profitons de notre passage dans le quartier des mineurs pour leur acheter quelques cadeaux. Suivant les conseils de notre guide, nous leur prenons quelques sachets de feuilles de coca (les mineurs se contentent de mâcher des feuilles de coca dans la mine, pour "tuer la faim", et aussi car il est dangereux de manger à l'intérieur car il y a trop de poussière) et des jus de fruit. D'autres visiteurs leur achètent aussi de la dynamite (l'un des seuls endroits au monde où elle est vente libre dans la rue 😄 !) ou encore de l'alcool (à 96° !!!) ou des cigarettes.


 

On arrive ensuite à l'entrée de la mine. Une fois bien équipés (bottes, surpantalon, veste, casque, frontale), on se dirige vers sa sortie, où arrivent les wagons chargés en pierres.

Les pierres sont triées suivant leur qualité :
- certaines, appelée "première qualité", qui contiennent beaucoup de minerais et qui sont vendues quelques kilomètres plus loin au kilo ;
- d'autres, la "deuxième qualité", vendues à la tonne ;
- et les dernières, sans minerais, qui sont conservées pour remplir les tunnels abandonnées de la mine afin d'assurer la stabilité de la montagne. Car la montagne est de moins en moins "stable" avec l'activité minière. Nous avons eu l'occasion de nous en rendre compte au cours de la visite en voyant l'importante quantité d'eau qui s'infiltre par les tunnels et creusements.

Les minerais extraits sont principalement de l'argent, du zinc, du soufre et du plomb. Aujourd'hui, seuls quelques grammes de minerais sont extraits par tonne de pierre. A l'époque coloniale, c'était pas moins de 850kg d'argent par tonne, par exemple !!!







On s'enfonce ensuite dans la mine à l'aide de nos frontales. On croise assez peu de mineurs, car nous visitons la mine le jour de la finale de la coupe de football des mineurs !! On peut néanmoins voir quelques mineurs sortir de la mine, épuisés, qui récupèrent avec plaisir nos feuilles de coca et boissons.




On croise aussi deux mineurs, pas bien âgés, poussant un wagon.
La visite est très intéressante et complète, et permet de bien se rendre compte des conditions de travail difficiles qui y règnent.

On fait également un petit tour dans un tunnel où se trouve une petite "statue" du diable. Les mineurs se réunissent ici les mardi et jeudi soirs pour décompresser autour de quelques verres et cigarettes. Cette image du diable est "sacrée" chez les mineurs (le diable vivant sous la surface de la terre, leur partageant sa richesse) depuis l'époque coloniale, et notre guide - ancien mineur - lui fait quelques offrandes à base de feuilles de coca et de quelques gouttes d'alcool.






On ressort de cette visite un peu "chamboulés" autour de midi ! 

On profite, après un petit repas dans un resto local, de l'après-midi pour visiter le très beau centre ville colonial de Potosi. On remarque bien aux bâtiments et à son architecture la grandeur de cette ville à l'époque coloniale.






Après nous être un peu reposés à l'hôtel et avoir un peu travaillé sur le blog, on ressort faire un tour de nuit pour compléter notre visite de cette ville très agréable, et très vivante !






Pour notre dernière journée sur place, nous parcourons une dernière fois le centre ville et passons visiter le marché central, où l'on peut littéralement tout acheter, entre légumes, rasoirs et machines à café !








Et à 14h30, nous embarquons dans un nouveau bus pour poursuivre notre exploration de la Bolivie 😀.
La suite dans le prochain article !!



Adresses et conseils

(le cours du Bolivian Boliviano (BOB)  fluctuant, nous préférons indiquer les prix en euro ou en dollars. Au moment de notre séjour, 10 BOB valaient environ 1,34€)


Logement :

- Nous avons passé deux nuits à l'Hostal Maria Victoria. Plein centre ville, chambre avec SDB privée, eau chaude, WiFi très rapide, petit déjeuner, propre. Bref, parfait si on oublie l'absence de chauffage, il fait très froid la nuit à 4100 mètres d'altitude !! 140 BOB (18,79€) la nuit.

Restos/Bars :  

- Pas mal de comedors pour manger local et pas cher le midi. On en a testé un dans l'hypercentre, vers le musée de la monnaie (impossible de retrouver son nom !). Un coca, une soupe et une assiette généreuse de viande pour 15 BOB (2€).
 
 
- La "Pizzeria Mario's" , dans le centre ville, propose des pizzas bonnes et assez généreuses à partager. Compter 91 BOB (12.11€) la pizza et la boisson pour deux personnes.
 
- "American burger", situé juste à côté de notre hôtel, est un fast food proposant des burgers trèèès gourmands et de bonnes frites maison. Environ 25 BOB (3.35€) par personne avec une boisson.
 

Transports :
 
- On a pris un bus depuis Uyuni pour rejoindre Potosi en environ 4 heures de trajet. Il en part toutes les heures (le dernier partant à 15h) depuis le centre-ville. On a payé 35 BOB (4.70€) par personne, le tarif "normal" négocié par notre guide du Sud Lipez.


Autres :
 
Pour la visite des mines, on est passé par l'agence Marco Polo située en plein centre ville. Le guide Willy parle parfaitement le français, on le recommande à 100% ! La visite est à 80 BOB (10.65€) par personne. Il faut rajouter environ 15 BOB (2€) pour acheter quelques cadeaux aux mineurs (feuilles de coca, boissons, ...).

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