Bolivie / Partie 5 : La Paz

avril 27, 2022



Après une nuit  dans un bus confortable mais glacial, nous arrivons avec une heure trente d'avance à La Paz, dès 6 heures du matin ! Il y a cependant déjà beaucoup d'animation dans les rues, notamment à El Alto (la ville "haute"), où les collectivos se comptent par centaines dans des embouteillages déjà importants.

Le temps d'avaler un petit déjeuner à la gare routière, nous sortons dans les rues et nous pouvons apercevoir d'emblée les fameux téléphériques et les collines encerclant la ville.
La Paz est au cœur d'une métropole de 2 000 000 d'habitants, la métropole la plus haute du monde !

En effet, si la "ville-basse", La Paz, n'est qu'à "seulement" 3625 mètres au-dessus du niveau de la mer, la "ville-haute", El Alto (qui est plus peuplée !), culmine elle à 4150 mètres. Sociologiquement, les populations pauvres vivent plutôt en hauteur (où il fait plus froid, et où l'oxygène est plus rare !) et travaillent "en bas".

Si Sucre, d'où nous venons, est la capitale constitutionnelle et judiciaire de la Bolivie, La Paz en est, depuis une guerre civile l'ayant confrontée à cette dernière, la capitale politique. La présidence et le gouvernement y siègent. C'est aussi à El Alto que se situe l'aéroport international du pays.

Nous arrivons à notre hôtel vers 7h30, après avoir eu l'occasion de tester non sans difficulté les "passages piétons" au milieu de la circulation chaotique de la capitale, où nous avons la bonne surprise de pouvoir récupérer déjà notre chambre ! Place alors à une bonne douche chaude, une petite "sieste" et à un bon café avant de filer découvrir la ville 😎

Comme nous n'avons que deux journées pour visiter la capitale, nous décidons de ne pas traîner et de consacrer notre premier jour sur place à une visite approfondie du centre-ville.

On commence dans les environs immédiats de l'hôtel avec le célèbre "marché aux sorcières". Quelques magasins se succèdent pour vendre quelques offrandes incas, comme les fameux fœtus (ou bébés) lamas. En réalité, le quartier est surtout désormais destiné aux touristes entre agences de voyages, hôtels et bureaux de change. On y trouve néanmoins de sympathiques fresques de street-art !













En redescendant vers la place "Sao Francisco", on tombe dans une manifestation. Les acteurs du tourisme réclament l'allégement de certaines mesures, comme les tests PCR à l'entrée dans le pays. Les pays voisins (Pérou, Chili, Argentine...) ayant il y a peu considérablement allégé leurs conditions d'entrée.




Quelques manifestants nous invitent à les rejoindre quand nous quittons le cortège pour observer l'Eglise Sao Francisco (devant laquelle les stands de vaccination COVID ont du succès !).




Après une visite infructueuse du Mercado Lanzo (désert, et où la majorité des boutiques est fermée : peut-être est-ce ainsi le lundi ?), on traverse la véritable "autoroute urbaine" qui traverse le centre pour rejoindre la Calle Apolinar Jaen, qui semble bien calme au milieu de ce chaos urbain.







On traverse ensuite la place principale du pays, la Plaza Murillo, qui héberge le palais présidentiel et le gouvernement. Deux grosses tours modernes ont poussé sur les bâtiments historiques, un mélange de styles étonnant !





Place ensuite à un peu de sport pour monter au Mirador Killi Killi d'où la vue est imprenable sur La Paz, El Alto, le ballet des téléphériques ou encore les sommets enneigés entourant la métropole 😍





Après avoir avalé quelques saltenas (la spécialité locale ! des "gros" empanadas), on rejoint la Plaza Sucre, aussi nommée Plaza San Pedro. C'est ici que nous démarrons, à 14h, une visite guidée de La Paz avec une grosse quinzaine d'autres voyageurs. 

Notre guide, Max, commence par nous présenter l'emblème de la Plaza San Pedro, qui est.... une prison ! Son histoire est incroyable, elle est l'une des prisons les plus célèbres au monde, et on comprend pourquoi...
A l'origine un couvent, puis un hôpital, le bâtiment (qui ne présente aucun intérêt architectural, on a même oublié de le prendre en photo !) a été transformé par les autorités en centre carcéral prévu pour héberger 600 personnes. Aujourd'hui, ce sont... 3000 prisonniers qui y sont détenus ! Mais ils ne sont pas seuls, puisque leurs épouses et enfants y vivent aussi 😨 
Max nous apprend en effet qu'en Bolivie, les familles des détenus doivent verser une sorte de "loyer" chaque mois (en plus d'un droit d'entrée, qui est évalué suivant la fortune du détenu, ainsi que son crime l'amenant derrière les barreaux). Cette prison hébergeant des détenus "pauvres", un accord a été trouvé pour que leurs familles puissent loger dans les cellules. Elles peuvent sortir la journée (une école se trouve d'ailleurs juste à côté), et elles y rentrent la nuit. Ces entrées/sorties permettent d'ailleurs de faire tourner le trafic de cocaïne qui fait la renommée de la prison dans toute l'Amérique du Sud ! Les familles font entrer les matières premières, très simples à trouver (la feuille de coca étant en vente libre), et font ressortir les produits transformés, sous le regard plutôt complice des autorités.
Mais la vie de la prison ne se limite pas au trafic de drogue, loin de là... Cette prison est une véritable ville, voire même un véritable état ! La cinquantaine de gardiens n'y travaille pas vraiment, la vie en communauté étant gérée par les détenus eux-mêmes. Chaque "section" de la prison (il y en a 11) nomme une sorte de "député" qui siège à l'assemblée de la prison, où est élu un "chef". La prison a ses propres règles, son propre code d'honneur. Ainsi, si un détenu agresse une femme ou l'enfant d'un détenu, par exemple, il est battu à mort par l'ensemble des prisonniers !
De même s'il agresse un visiteur. Car oui, il est possible de venir voir un prisonnier en passant par un "taxi". Un "taxi", c'est un détenu, vêtu d'un gilet jaune, qui vous amène en toute sécurité jusqu'à la cellule de la personne que vous souhaitez voir. D'autres métiers et commerces existent au sein de la prison : coiffeurs, restaurants (la nourriture donnée par l'état - un seul repas par jour - étant infect), bars... D'ailleurs, Coca Cola sponsorise l'établissement et a obtenu l'exclusivité de la vente de sodas à l'intérieur ! En échange, l'entreprise donne des tables, chaises, parasols... On a eu l'occasion pendant les explications du guide de voir un camion Coca Cola sortir de l'enceinte !
On apprend aussi qu'il y a un vrai système immobilier au sein de la prison. Certains détenus sont propriétaires d'une cellule, et louent les cellules voisines à d'autres. Les plus riches ont de véritables lofts avec cuisine, salle de bain, ...
Jusqu'à il y a quelques années, les touristes pouvaient même visiter la prison et y passer quelques heures ! C'est un prisonnier anglais qui a lancé ce business suite à une histoire assez rocambolesque (un coup de foudre avec une touriste israélienne lors d'une permission de sortie). Néanmoins, depuis sa libération, les visites ont été interdites car devenues trop dangereuses... Certains touristes rentraient mais ne ressortaient pas forcément en un seul morceau ! Officieusement, cependant, les visites continuent mais ne sont clairement pas conseillées. D'ailleurs, attention : certains guides peu scrupuleux se font passer pour des agences de voyage réputées pour vous arnaquer.
Bref, une prison assez incroyable ! Et on en oublie encore certainement...

Suite à cette sacrée introduction, nous arpentons en groupe les rues de l'hypercentre jusqu'au Mercado Rodriguez. Il est un peu "éteint" cet après-midi, même si on peut constater le nombre incroyable de stands vendant des pommes de terre : il y en a plus de 400 variétés différentes en Bolivie, on comprend pourquoi on ne mange que ça !!
C'est dans ce marché que Max nous apporte pas mal d'information sur la culture bolivienne.
On apprend par exemple l'importance du marché dans la culture locale, notamment celle de La Paz. Ici, pas de supermarchés tant il y a de marchés (que ce soit à La Paz ou à El Alto), notamment le weekend où ils sont énormes. Chaque habitant a sa propre "casera", à savoir sa vendeuse "préférée" avec qui il tisse un lien privilégié. Et pas question de la tromper en allant acheter ses fruits ailleurs !!!
On apprend aussi qu'en Bolivie le prix de la nourriture ne se négocie en aucun cas, car la nourriture est fournie par la "Pachamama", la terre-mère. En revanche, on peut demander à sa "casera" un peu plus pour le même prix 😜 (c'est donc hypocrite, n'est-ce pas ?)
C'est aussi pour la "Pachamama" que les femmes (et les hommes avant l'invasion européenne) portent des cheveux très longs, pour que les racines de leurs cheveux puissent pointer vers la terre. On apprend aussi que les femmes portent leur chapeau traditionnel en fonction de leur situation matrimoniale ! A "plat" sur la tête = je suis en couple, de travers = je suis ouverte à toute proposition ! Depuis cette anecdote, on regarde les femmes différemment dans la rue 😆. D'ailleurs, d'où viennent ces chapeaux ? D'un italien qui en a importé une grande quantité il y a longtemps, comme c'était la mode, pour les hommes. Mais.. il a envoyé des tailles bien trop petites, et ce sont ainsi les femmes qui les ont utilisés !!




On remonte ensuite vers le marché aux sorcières que l'on connaît déjà. On le nomme ainsi car les Espagnols ont considéré, à leur arrivée, que tout ce qui n'était pas "catholique" était de la sorcellerie ! L'occasion désormais d'en apprendre un peu plus sur les traditions d'offrandes à la "Pachamama". Quatre "niveaux" d'offrandes existent :

- le premier lorsque l'on fait une acquisition, l'achat d'une voiture ou d'un appartement par exemple : il faut arroser la voiture (par exemple) d'alcool, en offrande à la "Pachamama", puis en boire pour se porter chance ! Une bonne occasion pour picoler...

- le second niveau lorsque l'on achète une terre pour y construire un bâtiment. Là, ça ne rigole pas, il faut faire appel à un "magicien". Il s'agit d'un homme ayant, généralement, survécu à un accident, une chute de roche par exemple ! Il vient alors faire offrande à la "Pachamama" d'alcool, de bonbons, de plantes, et d'un fœtus (ou bébé mort-né) lama ! Après avoir bien picolé, on allume le bûcher et hop, on peut construire sereinement le bâtiment !

- le troisième niveau est réservé aux gros bâtiments. C'est la même chose que le second niveau, sauf que le lama est remplacé par... un homme ! On sacrifie généralement un sans abri, qu'on enterre dans les fondations, après l'avoir fait bien boire... Bon, Max nous rassure en nous disant que c'est une légende racontée par les parents et grands-parents aux enfants, pour leur faire comprendre l'importance de travailler pour ne pas finir à la rue, et de ne pas trop boire. Néanmoins... des corps humains sont parfois retrouvés dans des constructions lors de fouilles... 😱. Légende ou pas légende ? On ne sait pas... 

- le dernier niveau, un peu plus léger, consiste à recouvrir le chantier de fleurs lorsque l'on rajoute un nouvel étage à un bâtiment. 

C'est un peu chamboulé par cette barbarie qu'on retourne devant l'Eglise Sao Francisco, déjà observée le matin même. On apprend qu'il s'agit de la toute première église catholique construite dans ce qui était, auparavant, la ville "indigène". Les ouvriers ont placé quelques références sur la façade, comme la "Pachamama" qui accouche de fleurs (en prétendant aux Espagnols qu'il s'agissait de la vierge Marie !). 
Aujourd'hui, comme chez les Mayas en Amérique Centrale, les Incas ont mélangé un peu leur religion historique à la religion catholique, en prenant un peu le "meilleur" de chaque.

La visite guidée se termine Plaza Murillo, là où se situent les sièges du pouvoir. Max, d'origine indigène, nous raconte avec émotion l'histoire très compliquée de son pays. Entre pertes de territoires vis à vis du Chili (et notamment de l'accès à l'océan pacifique), instabilité politique, racisme envers les indigènes, et répressions des contestations sociales très musclées. L'occasion d'en apprendre notamment beaucoup sur le très controversé Evo Morales, qui a permis aux indigènes d'être reconnus dans la société. La place héberge quelques symboles, notamment le drapeau "Wiphala", représentant les différentes communautés autochtones du continent. C'est - à date - le seul état sud-américain à reconnaître ce drapeau et à l'arborer sur tous les bâtiments officiels. On peut aussi apercevoir sur les bâtiments de la place de nombreux impacts de balles, suite aux différentes manifestations et révoltes.
Max termine ses explications sur la politique à l'abri dans un bar, tenu par des occidentaux, le sujet étant toujours sensible aujourd'hui, et le pays dans un équilibre très très fragile... Des manifestations violentes ayant encore eu lieu il n'y a que quelques mois.

Une très belle visite très instructive, qui nous fait encore réfléchir à notre "chance" de vivre dans un pays comme la France... On termine notre journée dans un bon resto indien, assez inattendu dans un pays comme la Bolivie 😋


Le lendemain, on décide de prendre de la hauteur en empruntant les célèbres lignes de téléphérique ! Mis en service en 2014, il s'agit du plus grand réseau de téléphérique urbain au monde. Il a considérablement changé la vie de dizaines de milliers de Boliviens, leur permettant de pouvoir venir travailler à La Paz, depuis El Alto, en quelques minutes, contre plusieurs heures d'embouteillages auparavant. 
Avant d'arriver à la station, on traverse un marché bien vivant, où passent à toute vitesse des hommes portant des dizaines (centaines ?) de kilos sur le dos 😮




Pour notre virée dans les airs, nous empruntons trois des dix lignes. Pour commencer, la ligne "rouge", la plus vertigineuse, qui grimpe en flèche depuis le centre-ville jusqu'à El Alto,  en passant au-dessus du fameux cimetière et du quartier coloré de Chualluma (un quartier sorti de la pauvreté et de la violence par un projet culturel visant à peindre les façades des bâtiments 😍).









Place ensuite à la ligne "grise" qui longe le précipice, restant à la hauteur d'El Alto (4150m). De là, on peut apprécier l'étendue de cette ville-haute, qui on le rappelle est plus peuplée que La Paz !!!







Enfin, on récupère la ligne "jaune" pour retourner "en bas" jusqu'au quartier chic de Sopocachi. Un petit tour dans ses parcs, places et ruelles nous permet de trouver une population plus "blanche", plus "riche", avec des petits magasins et restaurants "classes". On déjeune d'ailleurs dans un resto français, sa carte affichée dans la rue nous mettant l'eau à la bouche. On profite de la formule du midi, pas chère, avant de retourner tranquillement dans notre quartier 😉





On termine la soirée et notre séjour à la capitale par un bon burger. Le lendemain, place à toute autre chose... à bientôt !!



Adresses et conseils

(le cours du Bolivian Boliviano (BOB)  fluctuant, nous préférons indiquer les prix en euro ou en dollars. Au moment de notre séjour, 10 BOB valaient environ 1,36€)


Logement :

- On a logé à l'hôtel Sagarnaga. Situé en plein centre touristique, dans la rue du même nom. Chambre double avec SDB privée, très propre, eau chaude, Wifi rapide, petit déj', bar/resto dans l'établissement, très bien situé. Gros + : récupération de la chambre dès 7h30 après notre bus de nuit 😀. Environ 23.50€ la nuit, payable par CB !!! (très rare ici, on avait presque oublié comment on s'en sert... 😅).
 

Restos/Bars :  

- Si l'Amérique latine produit en masse du café, il est malheureusement (très) difficile d'y boire de bons expressos, ici c'est plutôt le culte du soluble et du café filtre ! Heureusement, dans les capitales on peut trouver notre bonheur, notamment à La Paz du côté du "Café del Mundo", juste à côté de notre hôtel. Expresso à 12 BOB (1.61€) tout de même, mais toujours un plaisir 😊

- "Pacena la Saltena", pas très loin de la Plaza Murillo, propose de bonnes saltenas à la viande, ou végétariennes. On a payé 36 BOB (4.83€) pour quatre saltenas et un coca.

- Des Indiens expatriés en Bolivie c'est rare, on en a profité ! Et ça fait du bien de changer de la bouffe bolivienne ou des pizzas/burgers. Direction alors le "New Moti Mehal", plein centre, pour de bonnes assiettes ! Un peu cher (environ 88 BOB - 12.03€ par personne) mais on en sort sans avoir faim.

- "Chez Moustache", dans le quartier chic/bobo de Sopocachi, propose des plats qui donnent bien envie après six mois et demi hors de l'hexagone.. C'est cher sauf le midi où, pour 45 BOB (6.15€) par personne, nous avons eu une entrée (croque monsieur ou quiche lorraine), une assiette de lasagnes, et une crème brûlée. Mmmmhhh.... Belle carte de vins, plus de choix le soir (mais cher !), et boulangerie sur place.

- "Yati Restaurant café bar" et ses bons burgers. Le plus simple, très bon, est à 40 BOB (5.45€). Belle carte de bières et coktails.
 

Transports :
 
- Depuis Sucre, on a pris un bus de nuit (départ 19h30, arrivée théorique à 7h30 - 6h dans notre cas) pour 150 bob (20,11€) via la société Trans Copacabana. On a acheté le billet en ligne, mais il peut être négocié à 100 BOB (13.6€) sur place. Bus "cama" très confortable mais prévoir de quoi bien se couvrir, car entre la clim à fond et l'altitude, ça caille sévère !!!

- Sur place, le réseau de téléphérique est très bien fait. Le ticket se paye à la ligne, entre 2 et 3 BOB suivant la ligne. Pour faire notre tour (ligne rouge + grise + jaune) on a payé 7 BOB (0.96€) par personne, environ 50 minutes de trajet, on conseille pour profiter de la vue sur La Paz et observer les locaux descendre d'El Alto pour aller travailler à la capitale.


Visite guidée du centre-ville :
 
- On conseille à fond "Red Cap" avec le super guide Max ! On peut réserver en ligne et payer 3 USD, ou se pointer à 10h ou 14h sur la Plaza Sucre. On donne ce qu'on veut en partant, dans notre cas 50 BOB (6.83€) par personne. Le guide et l'entreprise ne vivent que de ces pourboires, et la reprise est dure avec la pandémie. On a appris tellement de choses qu'on ne peut que conseiller à 100% cette visite !!! Attention, on a beau être Bolivie, la visite est en... anglais, pour que le plus grand drame de Maëlle 😅

 


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